Les Druides d'Edora : une potion magique qui opère à merveille
- Renaud Fleusus

- 2 nov.
- 6 min de lecture
J'ai découvert Les Druides d'Edora un jour pluvieux d'octobre, dans ma toute nouvelle salle de jeu aménagée dans le garage. Vous savez, ce genre de journée parfaite pour déballer un colis surprise. Quand j'ai vu le logo Ravensburger sur le paquet de copie presse, j'ai tout de suite espéré que ce soit un nouveau Feld. Et bingo ! Les Druides d'Edora. Autant vous dire que l'excitation était à son comble. Fan absolu des Châteaux de Bourgogne (j'ai même craqué pour la version deluxe, oupsy), j'attendais ce moment avec impatience.

On s'est installés direct, incapables de résister à l'envie de découvrir ce que le maître avait concocté cette fois. Mais franchement, ce qui m'a frappé en premier en ouvrant la boîte, c'est l'odeur. Une odeur de carton et de produits chimiques assez prononcée. Rien d'alarmant, mais c'était suffisamment marquant pour qu'on en rigole tous autour de la table. Passé ce détail, on s'est plongés dans la mise en place, et je dois vous dire qu'on n'en est ressortis que trois heures plus tard, avec l'envie immédiate d'y rejouer mais nous étions 3.
Avant d'aller plus loin, voici ce qu'il faut savoir : Les Druides d'Edora se joue de 2 à 4 joueurs, pour des parties qui durent entre 60 et 120 minutes. C'est un jeu édité par Ravensburger sous leur label alea, et il a été conçu par Stefan Feld avec des illustrations de Fred Gissubel. L'âge conseillé est de 14 ans et plus, ce qui me semble cohérent vu la profondeur stratégique du titre. On le trouve aux alentours de 38 euros, ce qui reste très raisonnable vu la qualité du matériel et l'expérience proposée.
Une forêt mystique qui prend vie
Le pitch est simple : on incarne des druides et prêtresses qui arpentent une forêt mystique, en visitant différents sanctuaires pour gagner du prestige. Le cœur du jeu tourne autour de la gestion de deux ressources principales : la nourriture et les dés. À chaque tour, je déplace mon druide dans la forêt, en payant une ration de nourriture par sanctuaire traversé (avec un surcoût pour les zones sombres), puis je place un dé sur une action disponible. Et là, c'est le nerf de la guerre : la valeur de mon dé détermine non seulement combien de nourriture je dois dépenser, mais aussi qui contrôlera le sanctuaire en fin de partie.
Ce qui marque dans ce titre, c'est la richesse des actions et la capacité de toujours tout faire. Je peux ériger des menhirs qui déclenchent tous mes bonus précédents, placer des stèles dont l'efficacité dépend de la valeur de mon dé, couper du gui pour préparer des potions, avancer ma serpe pour débloquer des herbes médicinales, ou encore consulter l'oracle pour récupérer des objectifs. Et quand j'encercle un foyer avec mes dés, boum, je récupère instantanément 2, 3 ou 4 bonus en cascade. C'est jubilatoire.
Le génie des dés de Feld
Stefan Feld reste le maître des dés et n'a pas son pareil pour les utiliser avec finesse. En début de partie, je lance mes quatre dés actifs et je vois immédiatement avec quoi je vais devoir composer pendant un bon moment. Un 6 me coûtera cher en nourriture mais me permettra de dominer un sanctuaire. Un petit 1 sera économique mais risque de me faire perdre le contrôle face aux autres joueurs. Il faut s'adapter : si je n'ai que des petits dés, je ne vais sûrement pas placer des menhirs ou des stèles, vu que ce ne sera pas moi qui les récupérerai en fin de partie.
Ce qui rend le système brillant, c'est qu'il n'y a pas de "meilleurs" dés. Lors des parties, les joueurs peuvent rusher le jeu avec principalement des petits dés, en plaçant ses treize dés en un rien de temps pendant d’autres tentent de gérer leurs gros dés. Résultat : on doit s’adapter et choisir les meilleurs axes de scoring dépendant des dés que l’on a en sa possession. C'est cette liberté stratégique qui rend le jeu passionnant.
Un moteur qui ronronne
Ce que j'aime particulièrement, c'est la fluidité du jeu. Les tours s'enchaînent naturellement, sans temps mort. Pendant qu'un joueur réfléchit à son coup, je peux déjà planifier mes deux ou trois prochains tours. Et quand mon moteur se met en place grâce aux herbes médicinales que j'ai débloquées, c'est un vrai festival de combos. Par exemple, lors d'une partie, j'avais activé l'herbe qui me donnait un gui supplémentaire à chaque récolte, combinée avec celle qui me permettait d'ajuster mes dés. Du coup, j'ai pu préparer des potions à la chaîne tout en plaçant des dés optimaux. Cette montée en puissance progressive est extrêmement satisfaisante.
Tout le monde qui y a joué est d’accord pour dire que le jeu n'invente rien, mais il mélange toutes ces mécaniques avec goût, avec une tension et une interaction forte, des choix à arbitrer qui offrent un bon espace de décision. C'est exactement ce que j'ai ressenti. Ce n'est pas un jeu révolutionnaire, mais c'est une cuisine de haut vol avec des ingrédients qu'on connaît bien.
La question du nombre de joueurs
Je dois être honnête avec vous : à deux joueurs, Les Druides d'Edora perd de sa superbe. L'interaction, qui fait une bonne partie du sel du jeu, s'évapore largement. Les sanctuaires se remplissent moins vite, la compétition pour les dolmens devient anecdotique, et on a beaucoup trop d'espace pour respirer. À trois, le jeu commence vraiment à prendre son sens. À quatre, c'est la fête : on se marche constamment sur les pieds, on peste quand quelqu'un nous pique l'action qu'on visait, et la gestion des déplacements devient cruciale. Si vous voulez vraiment profiter d'Edora dans toute sa splendeur, je vous recommande vivement d'être au moins trois autour de la table.
Le petit caillou dans la chaussure
En tant que daltonien, j'ai eu quelques difficultés avec la lisibilité du plateau. Ce fameux vert sur vert manque parfois un peu de contraste. Entre la forêt, les sanctuaires et les différents éléments, il m'est arrivé plusieurs fois de devoir plisser les yeux pour bien distinguer certaines zones. C'est dommage, car avec un peu plus de contraste ou des marqueurs visuels supplémentaires, le jeu aurait été parfaitement accessible. Après quelques parties, on s'y fait, mais je dois régulièrement demander confirmation à mes partenaires de jeu sur certains détails du plateau. Ce n'est pas rédhibitoire, mais c'est suffisamment présent pour mériter d'être signalé.
La salade de points à la Feld
Comme dans tout bon Feld, on a une belle salade de points. On marque du prestige pendant la partie via les contrôles de sanctuaires, puis en fin de partie on compte les points de la serpe, des objectifs complétés, de l'amulette garnie de gemmes, et enfin le gros morceau : la majorité sur chaque sanctuaire multipliée par notre position sur la piste de savoir. Le différentiel peut être énorme : un joueur peut gagner 36 points pendant qu'un autre en gagne 6. Mais c'est justement toute la beauté du système : plusieurs chemins mènent à la victoire, et il faut constamment arbitrer entre marquer des points maintenant ou investir pour la fin de partie.
Mon verdict
Les Druides d'Edora est un jeu initié comme on les aime : riche, fluide et terriblement satisfaisant. À chaque partie, j'ai exploré une stratégie différente : focus sur les potions, rush avec les petits dés, construction d'un empire de menhirs... Et à chaque fois, j'ai pris mon pied. C'est un excellent Feld et un coup de cœur.
Certes, il a ses petits défauts : l'odeur à l'ouverture, la lisibilité perfectible du plateau pour les daltoniens, et cette nécessité d'être au moins trois pour vraiment briller. Mais ces points ne ternissent en rien l'expérience globale. C'est un jeu qui s'impose avec intelligence et élégance, qui récompense la planification sans jamais être punitif, et qui offre ce sentiment grisant de voir son moteur tourner à plein régime.
Si vous aimez les jeux de gestion de dés, d'optimisation et de combos, foncez. Si vous cherchez un jeu avec de vraies décisions à chaque tour et une rejouabilité excellente, foncez. Si vous voulez découvrir pourquoi Stefan Feld est considéré comme un maître du genre, foncez également. Les Druides d'Edora est une pépite qui mérite largement sa place dans votre ludothèque.
Ma note : 9/10
Un grand oui, avec juste ce petit astérisque : jouez-y à partir de trois joueurs minimum pour en savourer toute la richesse.




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